Le vol du romarin Editorial

Le vol du romarin

au-dessus du Brexit

On m’a volé mon romarin ! Le fric-frac semble avoir eu lieu à Londres, haut lieu des simples et des plantes aromatiques méditerranéennes s’il en est !

De l’autre côté du channel, il s’en passe de belles ! En pleins remous du Brexit et du départ de Meghan et Harry pour le Canada, que ne lis-je pas dans l’édition de Décembre dernier de The Garden ? Les membres du Conseil de Nomenclature et de Taxonomie de la Royal Horticultural Society (RHS) ont décidé sur la foi d’une étude de l’ADN de la plante de changer son nom scientifique et de la reclasser dans les Sauges. Shocking !
Les moines, les apothicaires et les jardiniers disparus s’en retournent dans ce qui leur reste de bonne terre franche. Voilà que l’une des plus célébres des nos simples, Rosmarinus officinalis se retrouve déclassée comme simple rejeton du genre Salvia devenant ainsi Salvia rosmarinus.
On notera la subtilité de la dénomination de l’espèce puisque la traduction en français serait la Sauge-romarin et non la Sauge romarinée (S. rosmarina) comme on aurait pu l’imaginer d’un accord de l’espèce avec le genre si les perfides malandrins étaient allé jusqu’au bout du crime. Mais en pleine ébullition #metoo, avec le départ d’un couple princier pour les colonies, les sages de la sauge ont évité le clash. Voilà donc la première simple ni mâle ni femelle. Honni soit qui mal y pense !

Bon de ce côté-ci de la Manche, on se fiche un peu de la génétique. Vous verrez qu’à ce train-là dans le tunnel, nous allons finir par être les frères et soeurs d’obscures lémuriens de Nouvelle Zélande. Les arguments du déclassement sont dignes des pires tourments shakespeariens : face aux conclusions des relevés génétiques, les botanistes anglais n’avaient que trois solutions : ne rien faire – ce qui était hors de question of course ! – basculer plus de 700 espèces de sauges dans le genre Romarin, ou bien inclure les romarins comme sous-genre des Sauges. Les descendants d'Hamlet a bien choisi, exit le romarin.

Franchement, j’ai cru à un poisson d’avril, et qu’un sujet au « marbre » resté dans les tiroirs de la rédaction de la vénérable insitution avait resurgi avec quelques mois de décalage. Mais l’affaire semble très sérieuse puisque dans la foulée, le Perovskia subit le même sort, mais bien pire encore. En effet, la célèbre Pérovoskie à feuilles d’arroche, Perovskia atricipifolia devient l’anonyme Salvia yangii que nous ne saurons traduire. Certes, cette russian sage des britanniques était déjà une sauge, d’Afghanistan chez nous. Mais de là à lui infliger une délocalisation spécifique du côté du géant chinois, cela sent la manœuvre diplomatico-botanique à plein nez.

Nos amis pépiniéristes de Fleurs et Senteurs, qui possèdent une extrordinaire collection de plus de 450 espèces et variétés de sauges labellisée Collection Nationale par le CCVS peuvent se réjouir. Ils viennent d’enrichir leur patrimoine de quelques jolis taxons.

Malgré le hold up,et foin de Brexit, je ne troquerai pas mes romarins et de ma perovskie.
Et que l’ADN retourne dans sa cellule ! Un peu de poésie que diable !

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